Chérif Haïdara, homme de culture s’est prononcé sur le Distrack de Didi B sur sa page Facebook. Il explique pourquoi il est particulier, passionnant et unique.
Le Distrack de Didi B, pourquoi il est particulier, passionnant, et unique ? Pour plusieurs raisons, mais il y a 4 qui captent l’essence selon moi.
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1) La structure : 3 flows, 3 styles…
2) La leçon : il ne se contente pas de rapper, il enseigne avec pédagogie ;
3) La cohérence du storytelling : un fil narratif implacable, vérifiable et fluide.
4)La kulture : Il rappelle, célèbre les anciens et leurs efforts.
Dès l’intro, on sent un clin d’œil ancestral qui ancre le morceau dans l’héritage mandingue. Il est narratif, calme, et pose le décor d’une fête de Tabaski joyeuse, avant de déconstruire les mensonges des anciens disstracks avec des preuves.

Brusquement, Tchezare change de flow. Hardcore, rapide, agressif. Rimes internes, hyperbole en rafale, un BPM à 180 qui cogne comme un uppercut. Il passe techniquement en mode Bazarrohff, déconstruction, et annihilation.
Les punchlines sont crues, piquantes, précises, comme en témoignent ces quelques-unes :
« Tu n’es pas talentueux que nous, je te dis ça 1000 fois. Mon succès est à l’infini, ton succès c’est 1X »
On sent une hyperbole maîtrisée, l’infini contre l’unique. Le succès fugace ( 1X) face à la constance éternelle (l’infini).
« Quand tu parles de taille, est-ce que tu penses à Arnaud Gadagada ?»
C’est une attaque stratégique qui utilise l’argument de Bedouin pour le retourner contre lui, car Arnaud qui est son manager, mesure entre 1,60 et 1,65m.
Avant de parler de taille, regarde autour de toi.
« Quand je parle de toi t’es fan, avec tes 32.000 dents».
Je vois ça comme une référence kulturelle subtile à la réaction de Machine Gun Kelly après avoir entendu son nom dans un morceau d’Eminem, où il a célébré avec une bouteille de champagne avant de sortir son Distrack.
Bayo rappelle l’archétype du fanboy démasqué, dont la jubilation trahit l’admiration refoulée derrière la façade de la rivalité.
« Je connais ton interview où tu renies le Beerus Sama »
Ce qui rend ce passage destructeur, c’est que Himra s’est toujours construit sur l’héritage d’Arafat, jurant même l’avoir vu en rêve. Pourtant, dans cette interview, on voit qu’il nie toute influence musicale hors de son genre qui est le rap. Didi B vient donc exposer cette contradiction flagrante.
Tu n’as jamais été influencé par Arafat, mais tu sors Yorobo Drill 1 jusqu’à 4.

Bref, il existe énormément de punchlines, mais cette deuxième partie se distingue par une cohérence narrative implacable et un niveau de vérifiabilité des punchlines et des révélations exceptionnel, transformant l’œuvre en un dossier à charge.
D’un côté, Suspect, dont le succès divin s’aligne parfaitement sur son branding construit autour des 2.000.
De l’autre, un rappeur intersexe arborant une rarissime anomalie anatomique, faisant partie des 1,7 % de la population mondiale à posséder deux phallus…
Il ne se contente pas d’utiliser l’anomalie comme un simple trait d’esprit. Il la transforme en une arme rhétorique percutante, armée d’une précision anatomique chirurgicale.
Personnellement, ce morceau est tout ce que je kiffe, mais la dernière partie est mon plus grand kiffe. Cette School de l’humilité et de l’héritage qui crée toute la différence.
Il termine de clasher, et dans un flow posé, il vous explique comment son groupe a gravi les échelons sans discorde, sans soutien institutionnel, sans se plaindre.
Il ne se contente pas de rapper, de clasher ou de donner des leçons de Distracks. Il se mue en archiviste de la kulture, celui qui rend un hommage puissant aux anciens.
De la stature d’Almight à la cadence de Stezo, jusqu’à la légende de Garba 50, il honore les pionniers, reconnaissant l’immensité de leur héritage.
Il adresse un Salam solennel aux piliers que la nouvelle garde ignore, les Nash, les MAM, l’icône Yves Zogbo Junior…
Ce faisant, il tisse un pont entre les générations, rappelant que ces aînés n’ont jamais été des plaignants, mais des mentors silencieux dont il célèbre la grandeur.
Ce disstrack ? Il n’est pas seulement artistiquement abouti, il est historiquement inéluctable. Respecte les normes.
Techniquement, c’est une virtuosité lexicale, des rimes multisyllabiques entrelacées, des figures de style en harmonie ;
Stratégiquement, c’est une storytelling en beef d’une cohérence presque parfaite. Le récit est sourcé, vérifiable, étayé.
Et kulturellement, le refrain mandingue, qui transforme le spectacle en rituel sacré…
Bref, tout converge vers une finalité absolue et qui a du sens.
On sent de la préparation minutieuse, une passion brûlante qui transcende les mots, un talent brut, et une maîtrise absolue du sujet, portée par une grande retenue de soi qui élève l’ensemble à un niveau d’élégance rare.
L’artiste n’a pas eu besoin de toucher aux familles pour faire mal, pour infliger des coups précis et dévastateurs qui résonnent dans l’âme de l’adversaire déjà.
Il a su démontrer l’immensité de son empire avec une subtilité chirurgicale, en s’appuyant sur des faits irréfutables, des références historiques du game, des punchlines ciselées qui claquent.

On a l’impression que chaque couplet est une construction architecturale, bâtie sur des années d’observation, de stratégie et de domination silencieuse.
C’est plus qu’un Distrack, c’est un testament de compétence, un enseignement, une leçon d’Art. Car Il n’a pas seulement vaincu le jeu, il a redessiné les frontières du genre, plaçant la barre si haut que les générations futures viendront y étudier la science de la riposte parfaite.
J’espère qu’on t’exposera un jour dans le musée imaginaire des classics incontestés, aux côtés des légendes qui ont su transformer la colère en art, la guerre en symphonie
Bravo tchezare !
9,75/10
Cherif Haïdara
NDLR : Le titre et l’introduction sont de la rédaction
KS Bloom à Himra : « Il doit respecter Didi B » – allbuzzafrica


























