Au Rwanda, la régulation stricte des églises évangéliques continue de susciter de vives réactions. À Kigali, la Grace Room Ministry remplissait encore, trois fois par semaine, le plus grand stade couvert de la capitale, fort de 10.000 places. En mai dernier, cette église a pourtant été contrainte de fermer ses portes, rejoignant ainsi des milliers d’autres structures religieuses évangéliques suspendues ou dissoutes par les autorités.
Depuis 2018, le gouvernement rwandais a instauré une série de règles encadrant sévèrement le fonctionnement des églises. Sécurité des bâtiments, transparence financière, qualification académique des pasteurs : les exigences sont nombreuses et strictement appliquées. Cette réglementation, impulsée sous l’autorité du président Paul Kagame, traduit une méfiance assumée à l’égard des églises évangéliques, dont la prolifération ces dernières décennies inquiète le pouvoir.
Contrairement à plusieurs pays africains où ces établissements prospèrent sans véritable contrôle, jusqu’à 10.000 églises auraient été fermées ces dernières années au Rwanda, selon la presse locale. Fin novembre, Paul Kagame n’a pas mâché ses mots. « Si cela ne tenait qu’à moi, je ne rouvrirais même pas une seule église », a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse retransmise en direct. Interrogeant leur utilité économique, il a lancé : « Face à tous les défis de développement auxquels nous sommes confrontés, quel est le rôle de ces églises ? Fournissent-elles des emplois ? » Avant de conclure sévèrement : « Beaucoup ne font que voler… Certaines églises ne sont qu’une tanière de bandits. »
Pour plusieurs observateurs, ces propos traduisent une volonté claire de neutraliser toute forme de contre-pouvoir. « Le Front patriotique rwandais s’irrite lorsqu’une organisation ou un individu gagne en influence sur la population », analyse l’analyste politique Louis Gitinywa. Selon lui, le message du chef de l’État est sans équivoque : le parti au pouvoir entend rester l’unique référence d’autorité et d’ascendant moral dans le pays.
Paul Kagame perçoit également l’Église comme un héritage du passé colonial. « Vous avez été trompés par les colonisateurs et vous continuez à vous laisser tromper », avait-il lancé à l’endroit des fidèles. Pourtant, environ 93 % des Rwandais se déclarent chrétiens, selon le recensement de 2024.
Le traumatisme du génocide de 1994, au cours duquel des massacres ont été commis jusque dans les églises, a favorisé l’essor de nouvelles structures religieuses, aujourd’hui particulièrement visées par les autorités. De nombreux fidèles se voient désormais contraints de parcourir de longues distances pour trouver un lieu de prière.
Les contraintes réglementaires se sont encore renforcées en mars 2025. Les églises doivent désormais fournir 1.000 signatures de fidèles pour être reconnues, une condition jugée « presque impossible » pour les petites communautés, selon le pasteur Sam Rugira, dont deux lieux de culte ont été fermés en 2024 pour non-respect des normes de sécurité incendie. Dans ce climat de méfiance, plusieurs responsables religieux redoutent des lendemains difficiles pour la liberté de culte au Rwanda.
Lucien Kouaho (stagiaire)
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