Le texte « La poule aux œufs d’or » de l’auteur, Boubou Hama, extrait de l’œuvre, Contes et légendes du Niger, Tome IV, Présence Africaine. Ce texte a bercé la jeunesse de nombreux Ivoiriens.
Un homme va au marché. Il y trouve un vendeur d’ œufs. Il lui achète dix œufs pour la modique somme de cent francs, pas un sou de plus. L’homme se mit à casser les œufs en présence du vendeur. Dans chaque œuf, il trouve une boule d’or. Il demande encore dix œufs en échange de cent francs, pas un sou de plus.
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Le vendeur, espérant trouver une boule d’or dans chacun des œufs qui lui restait, refuse de lui céder d’autres œufs. Il ramasse ses œufs et les met dans son panier ; ensuite il se rend au bord du fleuve du village. Il s’assoit à l’ombre d’un arbre touffu, bercé par la brise. S’étant ainsi rafraîchi, il se dit : « Ici, au moins, il fait bon. L’ombre est fraiche et l’eau n’est pas loin. Si les autres œufs ont contenu de l’or, il n’y a pas de raison pour que ceux qui me restent n’en contiennent pas autant, et peut-être, avec la chance, un peu plus ».
Alors notre homme pense à ce qu’il pourrait faire avec son or, à ce qu’il pourrait acheter avec cet or qui serait bientôt à sa disposition. Excité par ce qui lui montrait son imagination, il se dit : « Riche, je le serai. Cela au moins, c’est sûr. Je serai quelqu’un dans le village, l’homme le plus en vue ? Alors, c’est certain, les princesses, les princes, les grands de mon pays me feront la cour sans nul doute ».
« Je me marierai avec les femmes de mon choix. Pourquoi pas avec une princesse, la fille de notre roi ? L’argent n’ouvre-t-il pas toutes les portes ? Et puis, pourquoi tarder davantage ? »
En lui, une voix pressante dit : « Vas-y ! Qu’attends-tu encore ? La richesse est à portée de main. Casse tes œufs et tu recueilleras en leur sein de l’or, beaucoup d’or !».
Notre homme, enhardi par cette voix, jeta sur la terre tous ses œufs. Ils se brisèrent. Ils vidèrent sur le sable leur blanc et leur jaune d’œuf. De l’or, il n’y en avait point, pas la moindre petite trace.
Mais le client de tout à l’heure avait discrètement suivi le vendeur. Debout derrière lui, il lui dit : « Pourquoi as-tu cassé tous les œufs ? »
Le vendeur se retourne, le regarde et dit : « Toi, tu as pour cent francs acheté dix œufs et tu en retire dix grosses boules d’or. Pourquoi toi et non pas moi ? »
Le client du vendeur lui répondit : « Pourquoi moi ? ». « Je crois que tu en as maintenant la réponse éclatante. Tu as peut-être eu raison de faire ce que tu as fait. C’est humain et je comprends ta réaction. Seulement, je te conseille de ne pas croire tout le temps ce que tes yeux te montrent, car parfois, dans ce que tu vois, se cache l’esprit du malin qui égare. La vie n’est pas toujours logique. Elle n’est surtout pas faite de facilité. J’ai voulu t’éprouver. Je ne suis pas un homme. Je suis un ange. Pour toi et pour tout le genre humain, voici mon message :
Ce qui réussit à autrui peut ne pas réussir à soi-même. C’est une vérité de tous les temps, tu viens de l’apprendre à tes dépens. N’imite pas tout ce que tu vois. Il y a des choses qu’on voit et qu’on ne peut pas saisir. Ce sont des illusions qui passent. Je te paie tes œufs à leur prix réel. Adieu ! Et que l’on ne t’y prenne plus. »
L’ange déploya ses ailes. Il s’envola dans le ciel bleu, laissant confus notre homme, un peu trop crédule.
Boubou Hama, Contes et légendes du Niger, Tome IV, Présence Africaine.
NDLR : Le titre et l’introduction sont de la rédaction