La scène musicale ivoirienne s’invite une nouvelle fois dans le débat politique. Dans une vidéo publiée ce lundi 16 juin 2025 sur ses réseaux sociaux, la star du reggae Tiken Jah Fakoly a interpellé directement le président de la République, Alassane Ouattara, au sujet de la présidentielle de 2025, dont le calendrier et les règles d’éligibilité restent au cœur de vives tensions. « Si Laurent Gbagbo n’est pas candidat, que lui-même ne soit pas candidat », a-t-il dit.
« Ceux qui sont au pouvoir aujourd’hui ont été victimes d’une situation qu’ils veulent à présent faire subir à ceux de l’opposition », déplore le chanteur, se référent à la crise électorale de 2010-2011 qui avait opposé les camps Ouattara et Gbagbo. Pour l’artiste, le pays avait alors « cru qu’après tout ce qui s’est passé, on allait enfin avoir des élections transparentes, libres et surtout inclusives ».
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Dans son message, Tiken Jah se dit « triste » et « inquiet » de voir se profiler un scrutin qu’il juge déjà partial : « Je comprends la frustration des opposants. Si le président Laurent Gbagbo n’est pas candidat, il est important que le président Ouattara ne le soit pas non plus ». Poursuivant sur le même ton, il rappelle que sa « position demeure une élection inclusive, équitable, libre et transparente ».
L’ancien chef d’État Laurent Gbagbo, radié des listes électorales depuis sa condamnation dans l’affaire dite du « braquage de la BCEAO », a vu son camp déposer plusieurs requêtes pour récupérer ses droits civiques, sans succès à ce jour. De son côté, Alassane Ouattara, au pouvoir depuis 2011, entretient le flou sur sa participation éventuelle à un quatrième mandat, estimant que la Constitution révisée en 2016 ne limite pas son éligibilité.
Connu pour ses prises de position tranchées contre l’injustice et la mauvaise gouvernance, Tiken Jah n’en est pas à sa première incursion dans la sphère politique. Déjà en 2020, il exhortait le pouvoir à ne pas « jouer avec le feu » d’une candidature perçue comme illégitime par une partie de la population. Ses chansons, de Plus rien ne m’étonne à Ouvrez les frontières, résonnent encore comme des manifestes pour la paix et la cohésion.
À quelques mois de l’ouverture officielle de la campagne, la sortie du chanteur risque de peser dans le débat public. Tandis que l’opposition appelle à une réforme en profondeur de la Commission électorale indépendante (CEI), le camp présidentiel insiste sur le respect du cadre légal existant. Entre appels à la raison et tensions sous-jacentes, la Côte d’Ivoire s’apprête à vivre une nouvelle séquence politique décisive, sur fond de reggae engagé.
Lucien Kouaho (stagiaire)