Sanogo Souleymane, est chef de la division patrimoine culturel à la direction régionale de la culture de Sikasso au Mali qui conduit la délégation du Mali à la 10e édition du festival du Senang à Korhogo. Cet enseignant de formation affirme qu’il ne souhaite pas que les frontières établies par l’occident ne constituent pas une barrière pour la promotion de notre culture.
Qu’est ce qui explique la présence d’une si importante délégation du Mali à ici au festival du Senang à Korhogo ?
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Je suis professeur de lettre de formation. J’ai été guidé par la passion vers la culture. Ce, après une dizaine d’années dans l’enseignement. Je suis venu à la culture par choix et non par imposition. En effet, depuis l’enfance, je nourrissais des ambitions pour la culture. J’ai été l’un des principaux acteurs d’un grand réseau de jumelage entre plus d’une dizaine de lycées du Mali et du Burkina Faso. Il s’agit du Réseau des Établissements Secondaires Jumelés de l’Afrique de l’Ouest (RESJAO). Nous sommes en pourparlers avec ceux de la Côte d’Ivoire et de la Guinée. J’ai fait beaucoup de découvertes grâce à la culture.
Je conduis la délégation du Mali à la 10e édition du festival du Senang à Korhogo. Nous sommes là pour apporter notre contribution à la valorisation de la promotion de la culture Senoufo. Quand on parle de culture, ça perce les frontières. Quand on est Senoufo on n’est pas obligé d’être Ivoirien, Malien, Burkinabè ou Ghanéen mais on est Senoufo tout court.
C’est pourquoi les frontières virtuelles qui nous ont été imposées par l’occident nous voudrions perpétrer nos coutumes de manière à ce qu’elles soient brisées entre les communautés Senoufo. Nous sommes à Korhogo afin de découvrir. C’est vrai que nous sommes Senoufo mais pour des raisons géographiques, le peuple a été divisé. Chaque zone vit sa culture mais avec des spécificités, des particularités. Lorsque les différentes communautés se retrouvent sur un même espace, c’est un carrefour du donné et du recevoir.
Donc le Senoufo du Mali vient apporter ce qu’il a de particulier à la communauté ivoirienne. Par la même occasion, il apprend ce que les Ivoiriens ont de particulier. Lorsque nous sommes arrivés, nous avons été éblouis en ce sens que nous découvrons des merveilles de la culture Senoufo. En effet, le peuple Senoufo est naturellement hospitalier. Cette hospitalité légendaire qui le caractérise a été une fois de plus respectée dans la région du Poro.
Nous avons appris beaucoup de choses pendant ces jours. Dès notre retour, nous partagerons ces acquis avec nos frères qui sont restés au pays. Tout ce que nous avons appris ici à Korhogo va servir de leçon pour une meilleure valorisation de notre culture dans toute sa splendeur.
Que faut il faire pour pérenniser la culture Senoufo ?
Le peuple Senoufo de la région du Poro est sur la bonne voie. J’ai vu un peuple décomplexé. Le complexe d’infériorité est le premier facteur de destruction d’une culture. Quand on est fier de ce qu’on est, de ce que nous avons et de ce que nous faisons, rien ne peut vous arrêter. Lorsque vous arrivez dans une grande ville comme Korhogo, la première chose qui vous émerveille, c’est la langue Senoufo qui est parlée par tout le monde et sans complexe.
C’est rare de voir une grande ville Senoufo aujourd’hui qui s’accroche à sa langue. La langue est le premier élément qui véhicule la culture d’un peuple. Quand un peuple est fier de sa langue, il ne perdra jamais sa culture.
Le deuxième point, il faut s’approprier sa culture. Il ne faut pas minimiser aucun aspect de la culture. En effet, le rejet de la culture passe par la déculturation. A travers la déculturation, on rejette certaines de nos valeurs petit à petit et au fil du temps, on peine à les retrouver. Ainsi, fini-t-on par perdre la totalité de notre culture à travers nos traditions, nos coutumes et nos valeurs.
Quel est votre mot de fin ?
Je salue le comité d’organisation du festival du Senang. Je salue également les autorités administratives, politiques et coutumières de Korhogo surtout. Car dès que nous sommes arrivés à Korhogo, le chef de canton, sa majesté Issa Coulibaly a été là au début et à la fin des évènements. Ce qui est rare de voir. Nuit et jour il était auprès des délégations. S’il n’accordait pas de l’importance à la culture de sa région, il ne l’aurait pas fait.
Nous remercions l’initiateur du festival, Alexis Sékongo. Le Balafon du nord est à son 51e anniversaire et le festival du Senang qui est à sa 10e édition. Les deux sont de la même famille. Le père, Sékongo Lazare a œuvré pour que la culture Senoufo sorte des décombres. Le fils, Alexis Sékongo a continué à son tour sur la même lancée. Il est en train de faire beaucoup pour la culture Senoufo.
Bien qu’il soit sur le territoire ivoirien, il a compris qu’il est Senufo avant d’être Ivoirien. C’est pourquoi il va à la rencontre des communautés Senoufo du Mali, du Burkina Faso et du Ghana pour dénicher la sève de la culture Senoufo. Il est à féliciter. Nous souhaitons que le festival se pérennise. Que Dieu et nos ancêtres le bénisse. Surement nos ancêtres sont contents de nous quand ils constatent que les chemins qu’ils ont tracés nous sommes en train de les emprunter. Je suis convaincu qu’ils sont avec nous, nous écoutent et nous bénissent.
La transfrontalité est mon combat. Je ne veux pas que les frontières établies par l’occident constituent une barrière pour la promotion de notre culture. Je suis de nationalité malienne sur papier mais je suis né à Bingerville en Côte d’Ivoire. Nos arrières grands parents nous ont toujours dit que nous sommes originaires de Korhogo mais nous ne savons pas de quel village nous sommes partis. Korhogo est une ville légendaire, c’est le berceau de la culture Senoufo.
Karina Fofana
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