À la fin du XIXe siècle, sur la côte ivoirienne, deux localités voisines semaient régulièrement la confusion dans les échanges administratifs et maritimes : Grand-Bassam, capitale administrative d’alors, et Petit-Bassam, un modeste village côtier situé à sa périphérie. Pour y remédier, l’administration coloniale française prend, en 1904, une décision aux répercussions durables : rebaptiser Petit-Bassam en Port-Bouët.
Ce changement, en apparence purement toponymique, revêt en réalité une dimension stratégique. Le site de Petit-Bassam, connu des populations locales sous le nom Ayoré, était ignoré sous cette appellation par les Européens. Mais ce village côtier cachait un atout de taille : un « trou sans fond », une formation marine naturelle particulièrement propice à l’ancrage des navires. Repéré et cartographié au XIXe siècle, ce site jouera un rôle clé dans le choix d’Abidjan comme futur grand port maritime de la colonie.
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Un hommage à un marin explorateur
En choisissant le nom de Port-Bouët, les autorités coloniales rendent hommage à Louis Édouard Bouët-Willaumez (1808-1871), une figure centrale de la présence française en Afrique de l’Ouest. Officier de marine, explorateur et administrateur, Bouët-Willaumez est chargé en 1837 par le roi Louis-Philippe de conclure des traités avec les chefs côtiers africains. Visionnaire, il réalise les premières cartes hydrographiques précises entre Assinie et le golfe de Guinée, et contribue à l’établissement de plusieurs comptoirs français, notamment à Grand-Bassam, Assinie et Ouidah.
Gouverneur du Sénégal de 1842 à 1845, il œuvre à l’expansion de l’influence française sur le littoral ouest-africain. Revenu en France, il participe à divers conflits militaires avant de s’éteindre en 1871 à Maisons-Laffitte, des suites d’une maladie contractée en Afrique.
Une trace dans les villes africaines
L’héritage de Bouët-Willaumez dépasse les frontières ivoiriennes. On retrouve son nom inscrit dans l’urbanisme de plusieurs villes africaines : l’avenue Bouët et le quartier Mont-Bouët à Libreville (Gabon), ou encore Bouetville à Saint-Louis du Sénégal.
À Port-Bouët, aujourd’hui quartier dynamique et stratégique de la capitale économique ivoirienne, l’histoire du nom reste peu connue de ses habitants. Pourtant, derrière ce nom hérité de la colonisation, se cache toute une mémoire maritime, politique et géographique, à redécouvrir.
Source : Page Facebook Houphouët-Boigny Félix