Avant la finale Côte d’Ivoire-Nigeria le dimanche 11 février 2024, le Père Marius Hervé Djadji, l’actuel Président de la Conférence Episcopale de Côte d’Ivoire, a accordé une interview au Journal paroissial ‘’L’Antonnien ». Il à indiqué que la Côte d’Ivoire a les joueurs, l’équipe et l’environnement qu’il faut pour prendre la coupe.
A quelques heures de la finale, nous avons rencontré un prêtre Ivoirien, curé de paroisse en Belgique, Docteur en théologie dogmatique et Professeur de théologie. Nous vous livrons l’entretien que nous avons eu avec celui qui est appelé aumônier des Éléphants de Côte d’Ivoire.
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Mon Père d’où tirez-vous cette joie pour le football ?
Rires. Petit, mon Père m’a fait aimer les stades avec les matchs Asec-Africa, Asec-Hafia, Asec-Canon et autres. Donc le football est aussi une manière de me souvenir de mon père qui m’a transmis cet amour.
Comme tout jeune africain, j’ai joué au village, dans les rues. Et dans ma formation au séminaire, le sport faisait partie des piliers. Au séminaire, on avait une équipe de football magnifique et j’étais gardien à Bouaké, Katiola, Abadjin, Anyama. Donc la prêtrise et le sport, il n’y a pas d’incompatibilité. Dans la formation du prêtre, le sport est obligatoire parce que le Sport permet de libérer le cerveau, d’extérioriser ton être, de voir ta manière de gérer les émotions et le sport crée des liens.
Alors que pour nous les profanes le prêtre ne doit pas s’intéresser au sport qui est une affaire du monde?
Mais le prêtre n’est pas un extra terrestre. Le sport est un lieu où se retrouvent des hommes et des femmes donc aussi des prêtres. Avant de devenir prêtre, on vit dans un monde. Et puis les prêtres n’ont pas leur planète, leur monde. Il y a des prêtres qui sont maîtres karaté, il y a des prêtres entraîneurs, basketteurs, maître chien, comptable, médecin, maçon et autres. Si un prêtre veut faire un diplôme de consultant sportif ou de manager de football, de coach, il suffit de s’inscrire dans les écoles. Ça existe partout. L’Eglise n’enferme pas le prêtre. Tout ce qu’il peut faire pour l’aider à être un homme épanouie et qui peut l’aider à être un bon pasteur, le prêtre le fait. Quand j’entends les gens dire: la place du prêtre c’est L’Eglise, ça me fait rire. Le prêtre utilise des sciences et outils profanes pour mener sa pastorale. Sinon tu deviens un pasteur en l’air.
Avec les éléphants, vous faites des lectures tactiques, vous motivez, vous lancez des appels à la paix?
Moi je fais ce que j’aime. Étant donné que j’aime le football, je me forme pour comprendre, j’étudie les outils d’analyse des matchs. Il n’y a rien de génie. C’est une science, il suffit d’étudier. Aujourd’hui avec le monde d’internet, tu peux lire, étudier, te former.
Donc vous vous formez pour être coach?
Non. J’aime bien coacher mais je préfère manager, gérer l’environnement. Puisque cela ne va pas contre ma pastorale. C’est un plus au niveau de ma pastorale. Et puis ça ne me coûte rien. Lire, participer à des conférences, colloques, ça ne coûte pas. Quand on était au Séminaire, les formateurs nous invitaient à bien user de notre temps. Et puis n’oubliez pas qu’il y a des gens à qui Dieu donne des talents. Je me rappelle à l’université, parmi les cours au choix, j’ai choisi une fois Bible et culture. Je me suis retrouvé à étudier le montage des films, la manière d’analyser les films et surtout les films religieux. Aujourd’hui si je parle de cela il y a des gens qui vont crier. Alors que j’ai fait la formation.
Est-ce que les gens ne trouvent pas que ce n’est pas normal et puis c’est vulgaire mon père ?
Vous savez en Afrique on n’aime pas l’esprit d’initiative, la nouveauté. C’est la société de la mêmeté. Il suffit qu’il y ait une initiative qui sort de nos habitudes et on s’excite, on cherche à détruire parce qu’on veut rester dans nos habitudes.
Je reçois des centaines de messages des personnes qui se sentent touchées avec le mélange entre la foi et le sport. Elled découvrent un prêtre qui utilise le sport pour faire aimer Dieu. Moi je ne suis pas dans les pronostics prophétiques au nom de Dieu, là c’est de l’escroquerie morale. D’ailleurs je ne sais pas pourquoi je vais donner un score d’un match au nom de Dieu. Et si tu te trompes ? Et puis le score peut être vrai aujourd’hui et faux demain. Les scores de matchs on se donne entre amis, ou dans la plaisanterie mais tu ne mets pas Dieu dedans parce que Dieu n’est pas notre camarade de quartier.
Au niveau des éléphants qu’est ce que vous apportez à travers vos écrits ?
D’abord, je montre qu’il faut travailler et il faut mettre Dieu dans le groupe, dans l’environnement de l’équipe ainsi que chez les supporteurs. J’essaie d’inculquer le mental christique, le mental de la foi. Il y a toute une évangélisation que je fais. Je n’adhère pas aux fausses thèses de l’absence de Dieu dans le sport. C’est Dieu qui donne les talents, c’est lui qui donne l’intelligence d’organiser les événements sportifs. Et puis il faut apprendre à christianiser des réalités, à faire des récupérations spirituelles des choses, c’est cela l’évangélisation. Sinon l’on attribuera tout à Satan, au hasard, à la chance. Aujourd’hui il faut mettre Dieu dans les équipes pour ne pas que les enfants soient livrés à des féticheurs, marabouts qui détruisent leur carrière. Quand je parle de Dieu, je ne parle pas de faux pasteurs.
Donc mon Père on peut invoquer Dieu dans le sport ?
Mais si tu n’invoques pas Dieu, tu vas invoquer qui? C’est l’erreur que les gens font. En excluant Dieu dans le sport, on met le diable dedans. Le sport c’est comme tout travail. Les joueurs c’est leur travail.
Que dites vous des pronostics et prophéties au nom de Dieu ?
Il faut faire attention. Dieu n’est pas notre petit camarade avec qui on joue les cartes au quartier. Il faut utiliser le nom de Dieu avec respect. Les pronostics dans le football ont toujours existé, souvent entre amis. C’est un jeu. Maintenant ces pronostics prophétiques des visionnaires, pasteurs, femmes de Dieu, ça frise le ridicule. Le football ce n’est pas une affaire de parler en langue et de visions. Quand on parle de Dieu dans le sport, on parle de sa présence et de la bénédiction des équipes qui travaillent. Dieu sanctifie le travail du Joueur qui fait plus d’efforts. Il consolide l’ouvrage de nos mains.
Qu’est ce que vous pouvez dire des éléphants à ce stade de la compétition ?
Il faut rendre grâce à Dieu qui sanctifies le travail des joueurs, qui voit la mobilisation des supporteurs et l’hospispitalité du peuple. La Côte d’Ivoire a de très bons joueurs mais on avait pas d’équipe et le mental. Depuis l’humiliation de 4 à 0, une équipe est née, un mental est né, une mobilisation est née. Je dis merci à l’entraîneur Faé et le groupe d’entraîneur, le préparateur physique. Comme ils sont Africains, on ne leur donne pas beaucoup d’honneur. On ne les met pas suffisamment au-devant. Ils font un travail extraordinaire. C’est pourquoi j’appelle Faé le sauveur.
Est-ce que la Côte d’Ivoire peut remporter la coupe ?
Au football, quand on atteint une finale en sortant la détentrice de la coupe, en éliminant le meilleur milieu de terrain de la CAN, et celui qui a éliminé ta bête noire l’Égypte, ce qui reste c’est de prendre la coupe.On n’hésite plus. La Côte d’Ivoire a les joueurs, l’équipe et l’environnement qu’il faut pour prendre la coupe. On ne joue pas une finale, on la remporte.
Mais la finale c’est avec le Nigeria ?
Rires. Vous savez, dans tous les compartiments de jeu, comparativement au Nigeria, la Côte d’Ivoire a les meilleurs joueurs. Même Oshimen avec son ballon d’or ne dépasse pas de manière distante Haller. Une équipe qui perd 4 joueurs pour une demi-finale et qui reste sereine ça ne vous dit rien. Le Nigeria et la Côte d’Ivoire, depuis 2006, c’est 6 matchs 3 victoires pour chaque équipe. La Côte d’Ivoire a des joueurs. C’est pourquoi je n’aime pas ce chant des adversaires repris par les Ivoiriens: on vaut rien mais on est qualifié. La Côte d’Ivoire est une grande nation de football.
Père comme vous aimez le football quel est votre club?
Je suis Mimosas et Barcelonais.
Actuellement je supporte la Côte d’Ivoire. J’ai moi-même créé un centre Sportif et Éducationnel dans mon village à Yaobou appelé Dogbro KBC, où on prépare une équipe pour des compétitions nationales et on accompagne les enfants par des cours de renforcement, des formations en éthique, en éducation culturelle et sociale.
Quel appel lancez-vous à la population et aux joueurs ?
Je félicite les joueurs. Je leur demande de garder l’esprit du groupe qu’ils ont et de continuer de vivre dans la joie, de prier et de viser la coupe. Il faut prier avant de dormir. Il faut prier en groupe et individuellement. Il faut filtrer l’accès aux joueurs.
Quant à la population, je demande de rester dans cette dynamique de mobilisation et dans la prière. Dieu bénira le fruit du travail et de la mobilisation. Cette coupe c’est pour le peuple et c’est pour Dieu parce que vox populi, vox Dei.
Entretien réalisé par le Journal paroissial: L’Antonnien
NDLR : Le titre et l’introduction sont de la rédaction
CAN Côte d’Ivoire 2023 : « Dieu donne la coupe à qui Il veut » (André Silver Konan)