En 1956, en pleine époque coloniale, alors que les traditions restent profondément ancrées dans les foyers ivoiriens, un événement inédit voit le jour : le tout premier concours national de beauté est organisé en Côte d’Ivoire. Seules trois villes participent à cette aventure avant-gardiste, Abidjan, Grand-Bassam et Bouaké. Ce, dans un contexte de fortes réticences familiales.
C’est dans cette atmosphère tendue que naît, presque par hasard, la légende de Marthe Niankoury. À 15 ans, l’adolescente est invitée par une amie à assister à la présélection d’Abidjan. Le destin s’en mêle : repérée dans le public, elle est poussée sur scène et élue Miss Abidjan parmi quinze jeunes filles. À l’époque, les critères sont clairs : la beauté doit être naturelle, sans maquillage, ni cheveux défrisés, et les tenues imposées sont la tenue de ville et la tenue olympique.
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Une victoire éclatante… mais amère
La grande finale a lieu à la Maison du Combattant du Camp Fonctionnaire de Treichville. Le public, conquis par la jeune Marthe, scande à chacun de ses passages : « Numéro 3 ! ». Elle est finalement sacrée première Miss Côte d’Ivoire. Mais l’euphorie laisse place à une série de déceptions. Le prix promis de 50 000 FCFA ne lui sera jamais remis. Quant au trophée, confié brièvement à la première dauphine pour une photo, il disparaît mystérieusement. Il ne lui restera qu’un cliché en noir et blanc pour témoigner de cet instant historique.

Rejet familial et exil volontaire
De retour chez elle, Marthe redoute la réaction de ses parents. Elle est escortée par une commissaire de police jusqu’à son domicile. Son père, silencieux dans un premier temps, finit par la réprimander sévèrement le lendemain, considérant les concours de beauté comme une atteinte aux valeurs familiales, « réservés aux filles de mauvaise vie ».
Trois ans plus tard, en 1959, Marthe s’envole pour la France pour rejoindre son fiancé, Théophile Dossou, footballeur professionnel. Le couple se marie en 1962 et fonde une famille de cinq enfants. Théophile deviendra l’une des figures du sport ivoirien, gardien de but de l’ASEC Mimosas, champion national, puis vice-champion du monde de taekwondo.
Une icône oubliée
Aujourd’hui âgée et vivant loin des projecteurs, Marthe Niankoury incarne un pan méconnu de l’histoire culturelle ivoirienne. Première Miss dans un pays encore sous domination coloniale, elle reste un symbole d’audace, de résilience, et des paradoxes d’une société en pleine transformation. Son histoire, reléguée dans les marges de la mémoire collective, mérite d’être racontée, reconnue et célébrée. Niankoury Marthe est aujourd’hui grand-mère et arrière grand-mère, âgée de 84 ans.
Source : Page Facebook Houphouët-Boigny Félix
Karina Fofana
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