Il rêvait de devenir footballeur professionnel. Mais à 20 ans, son destin a basculé. Accusé de tentatives de meurtres lors des émeutes de Villiers-le-Bel en 2007, Mara Kanté a passé deux ans et demi derrière les barreaux, dont une année à l’isolement, avant d’être acquitté. Aujourd’hui âgé de 38 ans, il est éducateur et coureur passionné. S’il se dit apaisé, il confie n’avoir rien oublié de cette épreuve.
« Au printemps, j’ai organisé un run jusqu’à la maison d’arrêt de Fresnes. C’était la première fois que j’y retournais en dix-huit ans, et ça m’a fait tout drôle », raconte-t-il. « J’ai repensé à l’année que j’avais passée à l’isolement là-bas. Pas un jour ne passe sans que je ne pense à cette prison et à ces années qu’on m’a prises. », a-t-il ajouté.
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Avant ce drame, le football occupait toute sa vie. Né à Villiers-le-Bel, il a débuté à 13 ans dans son quartier avant de rejoindre Gonesse, puis Saint-Leu-la-Forêt et enfin Brétigny-sur-Orge, réputé pour sa formation. « Mon rêve ultime, c’était de devenir joueur pro. J’évoluais comme relayeur ou ailier gauche. Mes modèles étaient Roberto Carlos, Rivaldo, Ben Arfa… Je passais des heures à regarder Marcelo, Coentrao ou encore Évra pour progresser », se souvient-il.
Kanté a même approché le haut niveau : des essais en troisième division anglaise, à Cesena en Serie B et à l’Udinese en Serie A. « J’avais manqué le centre de formation, mais je pensais qu’intégrer un club de National, de Ligue 2 ou tenter ma chance à l’étranger restait possible. Mon objectif était de crever ce plafond de verre pour vivre de mon football », explique-t-il.
Mais le 25 novembre 2007, tout bascule. La mort de deux adolescents, Moshin Sehouli et Lakamy Samoura, percutés par un véhicule de police, provoque des affrontements d’une rare intensité à Villiers-le-Bel. « Ce soir-là, je n’avais jamais vu une telle violence », confie-t-il. Très vite, la cité s’embrase : une centaine de policiers seront blessés par des tirs et des jets de projectiles.
Soupçonné d’avoir pris part aux violences, il est arrêté, incarcéré puis placé à l’isolement. Son innocence sera reconnue après deux ans et demi de détention.
Aujourd’hui, Mara Kanté consacre son énergie à transmettre et à encadrer les jeunes de son quartier. Runner assidu, il continue de courir, non plus derrière un ballon, mais vers la reconstruction et l’apaisement. « Je suis en paix avec moi-même, mais je n’oublierai jamais », conclut-il.
Lucien Kouaho (stagiaire)
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