Le journaliste Hermann Aboa, par ailleurs Directeur de la Commission Communication et Relations Publiques du Festival des Musiques urbaines d’Anoumabo (FEMUA) en 2008, 2009 et 2010 a exprimé sa fierté à Traoré Salif dit A’Salfo et ses amis vue l’évolution de ce festival. Il a expliqué qu’il n’a pas pu s’empêcher d’écraser une larme au lancement de la 15ème édition lorsqu’il a revisité les images de la première édition en 2008.
Le FEMUA que je sais !
Je viens de voir en images – sur la page officielle de Traoré Salif dit A’Salfo – le lancement de la 15è édition du Festival des musiques urbaines d’Anoumabo, le Femua 15. A visiter ces nombreuses photos publiées et à y voir cette bonne et sélectionnée brochette de personnalités présentes déjà au lancement – cérémonie auréolée par la présence de la Première dame Dominique Ouattara « herself », je n’ai pu m’empêcher d’écraser une larme. Des larmes de haine ? Non. Plutôt des pleures de joie.
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En effet, ces images m’ont ramené aux souvenirs de la toute première édition en 2008. A la réalité, il n’y avait pas un si beau monde au départ. Mais A’salfo et les quelques-uns de ses amis et proches y avaient cru. Le souvenir m’est planté là comme si c’était hier. Car j’ai fait partir de l’aventure. A ses tout débuts.
Tout commence fin 2007. Au départ, c’était tout juste une idée d’un homme de grand esprit et visionnaire qu’est Salif Traoré connu sous le nom artistique d’A’salfo. Lui et ses trois autres camarades magiciens sortaient d’une crise sans précédent qui aurait pu leur faire perdre complètement la boussole et voir disloquer le groupe que formait Magic System. Les soubresauts de la crise du fait du départ de leur Manager Afrique et premier producteur, suite des malentendus liés à la célébration des dix ans de carrière du groupe, avaient laissé béantes des plaies de crise de confiance entre les quatre garçons d’Anoumabo. Malgré les apparences, certains d’entre eux, très proches d’Angelo Kabila, ont longtemps murmuré sans jamais prendre le risque de partir. Surtout que, en bon grand frère et leader naturel du groupe, avec sa stature de lead vocal, A’Salfo n’a pas cessé de faire comprendre à ses cadets l’intérêt de continuer d’évoluer ensemble pour préserver l’entité Magic System devenu après une décennie un label de facture internationale.
Au-delà de cet accord tacite autour de l’héritage commun, il fallait pour le lead vocal, dont le nom a été à tort ou à raison brocardé, tout le long de cette crise, redorer son image par une réponse habile avec la seule chose qu’il savait et aimait faire le plus : le travail.
Très vite, Salif forme un petit think thank avec des amis qu’il estime pouvoir apporter dans la réflexion autour de l’idée qui lui turlupine les méninges depuis un moment : lancer un festival culturel autour de la musique à partir d’Abidjan, cet Abidjan, carrefour artistique que chantent tous les artistes africains qui y viennent pour des concerts à gros cachets. Mais qui peinent à être reconnu comme grande place de la musique en Afrique.
Ainsi se multipliaient les séances de travail, soit à la Case blanche, son bar loundge, sis dans les encablures de l’hôtel communal de Cocody, soit chez lui-même à domicile, situé à un pâté de maisons derrière le centre commercial Sococé des Deux-plateaux. Des séances en afterwork qui pouvaient finir parfois très tard la nuit – au fil desquelles, le projet se dessinait. L’instigateur a tout de suite fait le choix d’Anoumabo comme site officiel pour abriter le festival. Ce village était l’épicentre de l’aventure et de l’histoire du groupe Magic System dont il est le lead vocal.
A’Salfo savait exactement ce qu’il voulait donc nous n’avons pas perdu le temps et non plus eu du mal à nous accorder sur le nom de Festival des Musiques urbaines d’Anoumabo (FEMUA). Des trois autres magiciens qui étaient de fait les commissaires adjoints du festival selon les recommandations de Salif, seul Manadja venait par moment aux réunions.
Les séances de travail ou debriefs se poursuivaient pour certains alors qu’ils regagnaient leur domicile. Salif tenait coûte que coûte à checker – avec les membres de son « smart square » – des points précis sur la faisabilité du projet. Dans l’entendement de Salif, le spectacle artistique avec des musiciens se succédant sur la scène du FEMUA ne doit être que le prétexte pour réussir certains autres vœux : mener des actions sociales en faveur des plus défavorisés et faire de l’évènement culturel un carrefour de réflexions sur la marche de la jeunesse. Ces sujets délicats faisant appel à la matière crise, A’salfo avait ses deux ou trois proches avec qui il préférait les élaborer.
Deux trois quatre… séances, le FEMUA est ok administrativement. Artistiquement, il est prévu qu’à chaque édition, les concerts soient gratuits pour les mélomanes, les populations. Et que, aussi bien des artistes de stature internationale qu’africaine soient sur la même scène que des artistes locaux professionnels et en vogue. Salif insiste sur le fait que ces derniers soient reconnus pour leur professionnalisme. Entre-temps, la nouvelle a été porté à la chefferie du village d’Anoumabo qui salue chaleureusement cette démarche de gratitude et d’hommage au village initiée par les quatre petits poucets devenus à présent ses plus grands ambassadeurs.
Nous voici à présent à préparer la première Edition du FEMUA. Salif fait la présentation de la liste des artistes retenus pour les concerts. Chaque commission présente ses besoins en les circonscrivant dans le budget sécurisé disponible. En fait, le FEMUA est à son tout début et bien que la plupart des grands noms du sponsoring de la place aient un profond respect pour son commissaire général, ils hésitent tous à y mettre de l’argent. Ils attendent de voir comment sera la première édition. Salif décide alors de prendre en charge de sa poche le nécessaire et l’utile à faire pour ce premier coup d’essai. Les devis estimatifs dressés par chaque commission passent au couperet.
La Team Communication et Relations Publiques dont je coordonne les actions avec mon confrère Franck Hervé dit Singamalon et Guy Michel Ablé connaît le même sort. Il nous est mis à disposition un modeste budget de 500.000 FCFA pour la campagne pub à la RTI. Malgré tous les scénaris possibles, on ne parvenait pas à trouver la formule pour obtenir ne serait que des pubs sur une semaine avec un tel budget. Et le compte à rebours avait commencé. J’appelle alors Salif et lui propose de faire venir tout le groupe Magic System dont on sait la notoriété pour saluer le Directeur général Brou Amessan sans rien demander et qu’après je vais gérer. Spontané, Salif accepte le deal et choisit le lendemain même pour cette visite surprise. Brou Amessan est agréablement surpris et salue la démarche de Salif et de ses amis. Le même jour, Brou Amessan met un « ok » sur tout le plan média (gourmand) que ma team a élaboré… il est prévu, en plus des pubs en prime time, des plateaux télé et même le plateau du JT de 20h avec Salif comme invité pour parler du Femua 1, à la veille de l’évènement. Le tout pour la modeste cagnotte de 500.000 FCFA.
A l’instar de la team Communication, toutes les autres équipes, toutes aussi efficaces, ont bien avancé dans l’exécution des tâches confiées à chacune. Comme annoncé sur les affiches et autres visuels, les artistes à l’affiche, venus de l’international foulent le sol abidjanais.
Entre activités du Femua, nos illustres invités prennent plaisir à découvrir la belle capitale économique du pays et ses valeurs culturelles et hospitalières. Touristiquement parlant. Les trois nuits de concert à la place du village, au QG même où déambulaient les 4 garçons magiciens d’Anoumanbo affichent complet, noir de monde.
Magic System offre son tout premier concert gratuit
Pour boucler la boucle, au petit matin de la dernière nuit de concert, le groupe Magic System offre son tout premier concert gratuit à la population ivoirienne sur la propre terre des 4 magiciens, à quelques pas des habitations de fortune où ils ont chacun grandi. Cet endroit qui leur rappelle leurs moments de dure galère qui ont forgé le temps de gloire qu’ils savourent à présent. Tout le symbolisme du FEMUA était là.
Premier coup d’essai, coup de maître… la deuxième édition a été moins contraignante pour l’organisation. Les potentiels sponsors s’étaient eux-mêmes invités à prendre leur place dans ce bébé culturel aux dents d’adulte. Les nombreux médias comme RFI, France 24, TV5 et bien d’autres qui en ont fait l’écho de la réussite du FEMUA 1 l’ont rendu crédible.
Bien naturellement, quand il a s’agi de choisir à qui donner la place de sponsor principal du FEMUA 2, le choix s’est à l’unanimité porté sur MTN qui même timidement a tenu à nous accompagner dans une certaine mesure à la première édition. A la 3è édition, les équipes étaient déjà rodées et la routine du FEMUA, connue et bien maîtrisée par tous. Toutefois, à chaque édition, A’Salfo prévoit une innovation.
Lisez et faites lire Ivoir’Hebdo
Salif Traoré
Jusqu’à ce que je ne quitte le navire à partir de la 4è édition (pour des raisons que chacun devinera), j’ai pris grand plaisir à jouer dans la cour des grands du FEMUA. Grâce à Salif Traoré qui m’a fait confiance. Même si 12 éditions se sont déroulées sans moi, je resterai fier de cette œuvre et je remercierai toujours Salif pour l’honneur qu’il m’a fait de rester dans les annales de l’histoire de ce grand concept qui a changé l’écosystème culturel, évènementiel et artistique de la Côte d’Ivoire. Le bébé a bien grandi. Vive le Femua 15 !
18 février 2023
Hermann ABOA,
Journaliste
Directeur de la Commission Communication & Relations Publiques
FEMUA 2008, 2009 et 2010
Côte d’Ivoire : Plus de 20 000 festivaliers enregistrés au Festica Abobo 2022