La cinquième édition du Festival Nangnerki a eu lieu du 21 au 29 février 2023 à Sikasso, au Mali. À l’occasion, Kassim Bingaly, l’initiateur et le directeur dudit Festival, a dit que l’objectif est de combler un vide en matière de d’évènement culturel au sein de cette ville historique et de permettre à chacun de se connaître. S’agissant de la dégradation avancée du Tata, Bingaly fait savoir que tout est comptable de cette situation.
Quelle est l’origine de la genèse du Festival Nangnerki ?
Kassim Bingaly est l’initiateur et le directeur du Festival Nangnerki. Sikasso avait un vide en matière de d’évènement culturel de taille. Etant Senoufo, originaire de Sikasso, je voyais cette forme de disparition qui se préparait. Je me suis donc dit pourquoi ne pas initier une rencontre annuelle qui va magnifier notre culture ! C’est pourquoi j’ai mis en place ce cadre de rencontre annuelle à travers le Festival Nangnerki.
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Sikasso qui fait frontière avec la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso et la Guinée a de grandes potentialités. Je me suis dit que c’est le même peuple qui partage la même culture. Pour moi, il fallait trouver un endroit pour qu’il se rencontre. Pour moi, ça serait une rencontre familiale et un partage d’expérience. D’où l’instauration du Festival Nangnerki qui est à sa cinquième édition en 2024.
Quel est l’objectif du Festival Nangnerki ?
L’objectif d’abord c’est de se connaitre, que chacun sente son appartenance à cette culture afin de se rendre compte que c’est le même peuple. Aujourd’hui l’Afrique a plus que besoin de ça. Nous sommes orientés par la vision étrangère alors que nos ancêtres nous ont laissé beaucoup de choses, qui est un facteur de cohésion, de développement. Au cours de ces moments, nous pouvons mener des réflexions sur pas mal de choses qui peuvent favoriser ce vivre ensemble. Et c’est la culture qui reste lorsqu’on a tout perdu. L’un des objectifs c’est aussi de promouvoir notre culture en faisant en sorte que ceux qui en font la promotion puissent vivre de ça.
Le Sénoufo était reconnu pour ses travaux champêtres mais aujourd’hui avec la modernisation, les instruments n’accompagnent plus les cultivateurs comme il le faut. Il faut donc faire la mise à jour. Quand tu fais les statistiques des pratiquants d’arts, vous allez constater que plusieurs ont fait de bonnes carrières mais chez nous ça laisse à désirer. Et ce, parce qu’il n’y a pas assez d’espace d’expression et de savoir-faire. Le Festival Nangnerki se propose d’aider ces personnes pour une bonne visibilité.
Quel bilan pouvez-vous faire de cette 5ème édition du Festival Nangnerki ?
Le bilan est très positif pour moi puisque l’un des objectifs était d’emmener des autorités d’autres pays. C’est ainsi que nous avons réussi à convaincre le département en charge de la culture du Burkina Faso que je remercie à travers votre micro. Parce que le ministre Rimtalba Jean Emmanuel Ouédraogo a envoyé une forte délégation accompagnée du directeur régional de la santé de la culture du haut Bassin. Ces personnalités sont restées avec nous pendant tout le Festival. Elles ont prouvé que nous sommes un même peuple qui a la même culture et le même ancêtre.
Quelle est la particularité de cette 5ème édition ?
La particularité c’est de pouvoir envoyer d’autres communautés du Bèlèdougou à Sikasso qui ont pratiquement la même culture que les Sénoufo.
Aujourd’hui le Tata est exposé à toute sorte de menaces et il se meurt de jour en jour.
Quelles sont les actions du Festival Nangnerki pour sauver ce qui reste ?
Le thème de cette édition qui est : « Le Tata et ses éléments associés des patrimoines en péril », en parle. En effet, en visitant le Tata et d’autres sites ça donne envie de pleurer. Voir ce travail immense que nos ancêtres ont fait mourir à petit feu, sans réagir fait mal. C’est ainsi que le comité scientifique a proposé qu’on ouvre des thématiques sur le sujet afin que ça soit une interpellation des autorités, des collectivités, des investisseurs ainsi que la population. Nous sommes tous comptables de la dégradation du Tata.
Certes il peut avoir des effets naturels mais si nous jouons notre rôle, nous ne serions pas à un niveau de dégradation aussi avancé. Ça fait mal de constater que certains sites touristiques ne soient même pas enregistré dans le patrimoine national. Alors qu’il y a beaucoup d’histoire autour de Sikasso. Nangnerki veut réclamer toutes ces histoires de la ville. Il s’agira de réunir tous les acteurs pendant le festival. Après le festival nous allons faire l’analyse de toutes les propositions, faire la synthèse et sortir un projet d’activités à temps plein que nous allons mener pour qu’on puisse donner au Tata et ses associés leurs lettres de noblesse. Le Nangnerki a contribué en prenant en charge ces ateliers qui ont été organisés. Nous avons tissé un partenariat avec l’UNESCO. La première prise en charge sera faite par le festival.
Quelles sont les activités qui meublent le festival ?
Il y en a plusieurs, entre autres, une foire d’exposition, des produits artisanaux, etc. Sikasso est à 365 Km de Bamako, la capitale du Mali. Quelques fois nous avons envie de déplacer Bamako, Bobo-Dioulasso, Bouaké et Korhogo à Sikasso parce que pendant la semaine ça peut créer des échanges entre les commerçants de ces différentes localités. Ça leur permettra de tisser des partenariats, de rapprocher des produits qu’on ne trouve pas tous les jours et en faire une foire. La population de Sikasso adhère à nos actions, c’est ce qui nous encourage.
Nous avons aussi un tournoi de football qui créé la cohésion entre les jeunes des differents quartiers de la ville. Et ce, à travers une compétition initiée par le Festival qui se déroule pendant un mois et la clôture se fait pendant le Festival Nangnerki.
Quel message avez-vous à lancer ?
Je voudrais saluer et remercier tous les festivaliers qui sont venus nombreux. Je salue aussi les autorités politiques et administratives de la région ainsi que le département de Sikasso. Je n’oublie pas les investisseurs et les bailleurs qui soutiennent la culture. Je demande à la population d’investir dans le Festival en achetant des produits ou des tickets de prestation d’artistes. Il faut qu’on arrive à mettre en place un écosystème économique au Festival indépendamment des bailleurs. Car tant qu’on sera dépendants des bailleurs, nous ne ferons pas long chemin.
Entretien réalisé par Karina Fofana
Mali : La 5ème édition du Festival Nangnerki officiellement lancée à Sikasso