Le journaliste Hermann Aboa s’est prononcé sur l’appelation du titre de « Professeur » qui fait couler beaucoup d’encre et de salive ces derniers temps en Côte d’Ivoire. Selon lui, il est peut-être temps de rappeler que le titre de professeur n’est pas une fin en soi.
Professeur de tout, expert en rien
En Côte d’Ivoire, le titre de Professeur n’est plus seulement une reconnaissance académique, c’est devenu une arme rhétorique dans le champ politique et intellectuel. Depuis plusieurs semaines, les réseaux sociaux, les plateaux télé et les débats publics s’enflamment autour de l’usage parfois abusif, parfois revendiqué de ce grade. Faut-il y voir un simple enjeu de sémantique ou le symptôme d’une crise plus profonde de notre rapport au savoir et à la légitimité ?
A lire aussi : Hermann Aboa à propos de son absence sur le plateau de « Le Grand Talk » : « Je serai de retour bientôt »
Le terme « Professeur » évoque une autorité savante, une carrière jalonnée d’efforts, de publications et de reconnaissance universitaire. Pourtant, dans l’espace public ivoirien, il se porte désormais comme un badge identitaire, souvent sans vérification ni nuance : professeur d’université, professeur certifié, professeur d’école secondaire, ou même professeur autoproclamé des réseaux sociaux. Le flou nourrit les rivalités et attise les polémiques.
Derrière cette querelle de titres, se cache un débat plus essentiel : à qui appartient la parole d’expert ? Dans un pays où l’intellectuel peine parfois à être entendu, le titre devient un sésame pour être pris au sérieux. Mais à force de brandir les grades comme des étendards, ne risque-t-on pas de vider le débat de son contenu, en le réduisant à une bataille d’étiquettes ?
La polémique actuelle révèle surtout une crise de confiance : confiance dans nos institutions académiques, accusées de favoritisme ou de complaisance ; confiance dans nos élites, soupçonnées de manipuler les symboles pour asseoir leur crédibilité ; confiance, enfin, dans le citoyen, trop souvent spectateur d’une scène où le paraître l’emporte sur la preuve.
Il est peut-être temps de rappeler que le titre de professeur n’est pas une fin en soi, mais un outil au service de la transmission, de la recherche et du débat d’idées. Plutôt que de s’écharper sur les appellations, pourquoi ne pas juger les arguments sur leur valeur, et les hommes sur leurs actions ?
Dans un pays en quête de repères et d’excellence, l’exigence doit primer sur l’apparence. Le vrai professeur, qu’il soit titulaire d’une chaire ou formateur de terrain, est celui qui élève les esprits et nourrit le progrès, pas celui qui s’accroche à un titre pour écraser la contradiction.
Hermann Aboa
NDLR : Le titre et l’introduction sont de la rédaction
Arthur Banga : « Il n’y a jamais eu de crime à appeler un Maître de conférence, Professeur »