Le journaliste, Félix Bony a rendu hommage à son « ex-patron », Michel Kouamé ancien Directeur Général de Fraternité Matin, décédé le 11 mars 2025 dans une publication sur son compte Facebook. Il a affirmé que sur sa trajectoire de journaliste, Michel Kouamé a été, et y reste.
Michel Kouamé, modèle inspirant de grandeur et d’humilité, Hommage à toi, DG !
Il était le Directeur Général de Fraternité Matin, en juillet 1995, quand j’eu le privilège de figurer parmi les stagiaires recrutés, cette année-là, pour rejoindre les rédactions de ce groupe. 21 stagiaires, nous étions, qui découvrions avec fierté nos noms publiés dans le journal officiel de la République.
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Je fis partie d’une cohorte affecté à la rédaction du défunt quotidien Ivoir’Soir tandis que l’autre groupe de 11 entamait son apprentissage avec le journal Fraternité Matin.
Michel Kouamé, le tout puissant DG (car il en était ainsi des DG de Fraternité Matin à cette époque), de sa corpulence et de sa voix imposante, était un homme craint. En tant que stagiaire, nous avions de l’homme l’image d’un gourou, un personnage dont nous étions loin d’accéder.
Nous nous tenions à carreau ou à l’écart dès que nous apercevions le DG sur notre chemin ou dans un périmètre proche. Pourtant, c’était bien une erreur de notre part. Cet homme, mortel comme tous les autres, était aussi affable, aimable et sociable que nous ne nous l’imaginions.
La preuve, chaque fois que l’occasion se présentait, il ne manquait pas de répondre avec beaucoup de chaleur à nos salutations apeurées, voire à chercher à en savoir sur l’identité de chacun pour coller un visage aux noms qu’il a déjà enregistrés.
En réalité, pas un parmi nous ne pouvait s’imaginer que de sa haute stature, cet homme emblématique pouvait consacrer du temps à parcourir des articles écrits par des stagiaires jusqu’à leur accorder le moindre égard.
Pourtant, c’était bien le cas.
Michel Kouamé connaissait non seulement tous ses journalistes (il y en avait à foison à cette époque dans les nombreuses rédactions qui composaient le groupe Fraternité Matin), mais bien au-delà, il avait une nette idée des jeunes qui venaient y faire des stages. Il suivait leurs productions et avait une idée de ce que chacun représentait dans sa rédaction.
C’est ainsi qu’un après-midi de dimanche, juste après notre Conférence hebdomadaire de rédaction prévue pour 13h30, je me retrouve avec le DG dans nos locaux, qui me tend un texte tapuscrit et me demande d’y jeter un coup d’œil avec ses instructions à haute voix : « Lis mon texte, et corrige tout ce qui te semble pas correct. Je reviendrai le chercher ».
Devrais-je dire que j’étais surpris ? Honnêtement, plus qu’une surprise, j’étais plutôt animé d’un sentiment de crainte et de peur. Peur de ne pas être à la hauteur de l’attente du Grand Chef. Je tremblotais à la limite avec ce texte à la main, car en y jetant le premier coup d’œil, je découvris qu’il s’agit de l’Edito du Fraternité Matin du lendemain. Ces textes si bien écrits que nous, stagiaires, prenions le temps de lire et de relire pour nous abreuver du stylistique, de l’habileté et de la dextérité scripturale de nos maîtres.
Que faire ? Je me tournai vers mon chef et maîtresse de stage, ma mère Bakayoko Zéguéla. Elle me rassure : « Le DG t’a donné pour corriger. Lis attentivement, et si tu vois des fautes, ou des choses que tu ne comprends pas, tu relèves et tu lui envoies ».
Je parcouru le texte avec toute la concentration et l’attention possible pour chercher à y découvrir au moins une virgule à ajouter. J’eu quelques remarques de forme que je notai sur une feuille à côté. Pas grand-chose, mais au moins quelque éléments qui, pour moi, pouvait se présenter autrement. Il me fallait bien trouver de quoi à observer pour ne pas que…
Une heure après, le DG, qui faisait le tour des services, pour visiter les locaux et saluer ses collaborateurs, revint à nos locaux. Je lui tend son Edito et mes remarques sur ma feuille.
Il rétorque aussitôt : « Non ! Je t’ai dit de corriger. Tu barres ce qui ne te semble pas juste et tu mets pour toi. Travaille directement sur la copie que je t’ai remise ».
Quel embarras pour le jeune stagiaire que je suis devant l’un des noms les plus puissant du pays de l’époque !
Dès qu’il tourna dos, je m’empressai dans la boutique située en face du groupe à cette époque pour m’acheter un crayon et une lame pour la tailler, et je repris ma correction, cette fois directement sur la copie en intégrant mes annotations.
Peu de temps encore après, le DG envoya quelqu’un chercher sa copie. Je la remis avec mes corrections faites au crayon.
Quelle ne sera encore ma frayeur de revoir le DG revenir à mon niveau pour m’intimer, sur un ton plus ferme, d’intégrer mes corrections avec un stylo et non un crayon et de barrer ce qu’il a écrit qui ne me semble pas correct ou plus compréhensible. Je repris l’exercice, toujours avec la peur au ventre et m’en allai lui remettre sa copie à son bureau que je découvris pour la première fois.
Ce jour-là, j’eu l’insomnie toute la nuit. Mais, je n’en dis rien à personne, une fois en famille.
Le lendemain lundi matin, jour de la grande Conférence des rédactions qui rassemble tous les chefs des différentes rédactions du groupe (il y en avait une demi-douzaine au moins), je m’empressai, dès mon arrivée à la rédaction, de récupérer ma dotation quotidienne de journaux et d’aller droit à l’Editorial de Fraternité Matin.
Quelle ne fut encore ma surprise ? Aucune de mes corrections apportées au texte du tout puissant DG n’aura été laissée de côté. Tout y est, tout a été intégré comme tel.
Je suis envahi par un bonheur et une fierté, moi, le petit stagiaire, d’avoir contribué au texte sans doute le plus lu, et par les élites du pays, du Grand Chef du plus grand journal du pays !
Cette fois, à la maison, je porte la nouvelle avec joie. Je témoignai de l’humilité du DG. Une leçon que je retins jusqu’à présent dans ma vie de journaliste et dont je continue de témoigner auprès de mes confrères et surtout des générations arrivantes : « On n’est jamais assez grand, trop érudit, pour être trop parfait, surtout en journalisme. Il faut demeurer humble, car les plus grands sont les plus simples qui n’hésitent pas à s’éprouver au regard des plus petits pour affiner leurs productions ». Je retrouvai cette même attitude dans tous les grands de la maison : Alfred Dan Moussa, Venance Konan, Rédacteurs en Chef respectivement de Fraternité Matin et d’Ivoir’Soir à cette époque. Pareil chez Rosine Diodan (paix à son âme), Agnès Kraidy, ou Zeinab Karim qui n’hésitaient pas à se faire relire par un tiers, y compris à un stagiaire. (…).
Bref, DG, j’ai tenu à raconter cette histoire que je t’ai rappelée lors de la visite que je t’ai rendu de mon passage, il y a quelques années à Koun Fao, ton village natal où tu t’es retiré après tes loyaux services rendus à ta Nation. J’ai été fier de voir ta reconversion dans ton village dont tu étais le Chef jusqu’à l’appel du Ciel.
Merci pour tout ce que tu as été pour moi. Merci pour le modèle que tu m’as inspiré. Merci pour le bien que tu as fait sur terre pour tes contemporains, et que Dieu s’en souvienne pour te réserver un repos paisible sur la terre de tes ancêtres !
Adieu Michel KOUAMÉ !
Adieu DG !
Adieu Grand Chef !
Adieu Nanan !
Les grands hommes ne meurent jamais, et tu resteras à jamais gravé dans bien des esprits, dont le mien, car dans mes souvenirs, et sur ma trajectoire de journaliste, tu as été, et tu y restes !
Le jeune frère, le petit confrère, Félix D. Bony
NDLR : Le titre et l’introduction sont de la rédaction