Le dramaturge Henri N’koumo a été couronné samedi 3 mai 2025 par le Prix Jean-Marie Adiaffi de littérature pour sa pièce de théâtre La Promesse Entêtée de l’Ombre, à l’occasion d’une cérémonie tenue à Abidjan. Ce prix, créé pour récompenser les œuvres littéraires innovantes et ancrées dans les réalités africaines, rend hommage à l’écrivain ivoirien Jean-Marie Adiaffi, figure majeure de la littérature africaine contemporaine.
Attribué par un jury prestigieux composé de Bedjo, Brigitte Guirathé, Abdala Koné, Hélèna Lobé et Auguste Gnalehi, le prix salue une œuvre qui, selon les mots du jury, « renouvelle avec force, lucidité et engagement le théâtre de l’absurde, en lui insufflant une portée politique et existentielle profondément enracinée dans les réalités africaines contemporaines ».
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Dans La Promesse Entêtée de l’Ombre de 126 pages, N’koumo explore les impasses du discours politique, la solitude de l’intellectuel, et les rouages d’un système de surveillance qui réduit le dialogue au silence. Trois personnages archétypaux, le Poète (passant), le Politicien (le pouvoir) et le Gardien (la répression), évoluent dans un espace scénique minimaliste, symbole d’un continent en quête de repères.
Le poète, personnage central, incarne une lucidité blessée. Porteur d’un espoir fragile, il s’efforce de maintenir une parole poétique dans un monde où règnent le cynisme et l’oubli. Face à lui, le politicien débite un discours creux, répétitif, déconnecté du réel non comme individu, mais comme système. Le gardien, quant à lui, figure muette mais omniprésente, incarne la peur et l’ordre figé.
Divisée en trois actes, la pièce ne raconte pas, elle interroge : que vaut la parole dans un monde qui ne l’écoute plus ? Fidèle à la tradition absurde d’Albert Camus, N’koumo ne cède pas au désespoir. Il affirme, à travers la persistance du poète, une foi ténue mais tenace en la beauté, en l’art, en l’acte de dire même dans le vide.
Sans jamais tomber dans le pamphlet, La Promesse Entêtée de l’Ombre éclaire les dérives politiques africaines : promesses trahies, peuples oubliés, spectacle vidé de sens. Mais au cœur de cette noirceur, la pièce propose une autre voie celle de la dignité lucide. Le théâtre devient alors un lieu de résistance poétique, où la parole, même vacillante, demeure un acte de courage.
Avec cette œuvre dense et saisissante, Henri N’koumo entre par la grande porte dans le paysage théâtral africain. Le Prix Jean-Marie Adiaffi, dont il est le premier lauréat, salue un écrivain qui, par sa plume, fait jaillir la lumière dans l’ombre.
Karina Fofana
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