La cérémonie de ‘’Tchéssahara’’ (magnification ou hommage) de la femme chez des Sénoufo de Côte d’Ivoire, se pratiquait chez plusieurs sous-groupes. Notamment, dans le Kafique (zone de Sirasso), dans le Gbato (zone de Dianra), etc. Elle était grandiose. Cependant, elle est en voie de disparition. Cette cérémonie qui se tient encore dans le Kafigue et dans le Gbatô, a lieu à la faveur des funérailles de la maman ou du père de l’épouse légitime du monsieur. Notons que l’épouse légitime (chez le Sénoufo), est celle que vos parents vous ont donné en mariage.
Chez ce peuple du Nord de la Côte d’Ivoire, les funérailles sont une fête pleine de joie et d’espérance, occasion de retrouvailles pour les parents, les habitants du village et les alliés. Acte religieux par excellence, les cérémonies funéraires donnent accès au ‘’village des morts’’.
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La cérémonie est organisée par les beaux-parents de la femme, notamment les sœurs du mari. Toute belle famille qui ne la célébrait pas pour la femme légitime, celle-ci était tenté de rompre les liens du mariage en ce sens que c’était une humiliation pour elle et sa famille. La grandeur de la cérémonie était un baromètre pour la société. Ça permettait de savoir comment elle réussissait à prendre soin de son mari et à réunir les parents de ce dernier.
Soulignons qu’en pays Senoufo, la femme n’appartenait pas seulement à son époux mais à toute la famille. Elle devrait faire l’unanimité de par les actes qu’elle pose. La cérémonie de ‘’Tchéssahara’’ était donc l’occasion pour lui rendre hommage pour tout ce qu’elle fait au sein de son foyer. Cependant, toutes les femmes n’étaient pas éligibles à ces civilités. Et ce, pour diverses raisons, notamment le comportement.
UNE PROCÉDURE À RESPECTER
Pour celles qui avaient droit, il y avait une procédure à respecter ; le peuple Sénoufo étant adepte de procédures. Pour ce faire, les parents de son mari (les beaux-parents) se rendaient chez la famille de la femme, aux responsables du bois sacré (poro) pour leur porter l’information et par la même occasion, demander l’autorisation.
Une fois que l’autorisation est obtenue, une invitation est adressée aux tapeurs de balafon et à tout le village. Le jour de la cérémonie, les beaux-parents de la femme, notamment ses belles sœurs se mettent en mouvement. C’est l’occasion de prouver à la femme de leur frère, qu’elles sont ‘’prêtes’’ (disponibles) pour elle. En clair, c’est une reconnaissance.
Pour le matérialiser, elles l’habillent (belle-sœur) d’un grand boubou de valeur. Généralement, on empruntait le boubou des personnes âgées qui étaient réservés aux grandes cérémonies. A l’occasion, les sœurs du mari devraient montrer combien de fois elles aimaient la femme de leur frère, leur ‘’femme’’. Cela se démontrait par sa tenue vestimentaire du jour. Une fois le boubou porté, on attachait un tissu au bassin de son porteur pour bien le fixer.
ON LUI FAISAIT DONC PORTER UNE TENUE DOZO
Au son du balafon, la femme à l’honneur prenait place à bord d’une moto conduite par un jeune homme. Mais avant, les beaux-parents lui remettaient un coq qu’elle tenait dans la main pour faire la parade. Une jeune dame était sélectionnée du côté des parents du mari de la femme. Elle était déguisée en homme pour représenter le mari de celle qui est à l’honneur ce jour-là. On lui faisait donc porter une tenue Dozo (chasseur traditionnel) ou une tenue d’homme, coiffée d’un casque colonial (salacot) appelé ‘’Késsékré’’ en Sénoufo.
Pour la protéger contre le soleil ou la pluie, l’on utilisait un parapluie ou un pagne de valeur tenu par quatre femmes tout au long du trajet du cortège. Ceux qui avaient les moyens, ornaient ce pagne de valeur qu’on appellerait Kita chez les Akan ou le parapluie de billets de banque.
Lorsqu’elle arrive au Kpakpol (un lieu sacré), qui est une aire aplanie et dégagé de toute broussaille, elle descend de la moto pour faire le tour de ce lieu symbolique un certain nombre de fois toujours au son du balafon accompagnée de ses belles sœurs, amies et connaissances.
Là-bas, on profite de l’occasion pour offrir aux nouveaux initiés (Tcholobélé) les deux plats de riz qui l’accompagnaient. Après cette étape, elle reprend place à bord de son véhicule de ‘’commandement’’ pour aller saluer les personnes âgées dans le village avant de prendre la direction du domicile du défunt où la cérémonie prend fin.
A chaque escale, elle devrait démontrer son talent de danseuse de balafon à travers ses pas. Après la cérémonie, le coq qu’elle tenait est dégusté à l’occasion d’un partage.
TOUS LES BEAUX-PARENTS SE MOBILISAIENT
En somme, une femme qui prenait soin de son mari, de ses beaux-parents et de l’ensemble de la communauté, cela se ressentait au cours de cette cérémonie d’hommage. Car tous les beaux-parents se mobilisaient pour elle, surtout les sœurs de son mari. La cérémonie était marquée par les ‘’travaillements’’ (jeter l’argent sur une personne) pour démontrer qu’on aime notre femme, qu’on est satisfait d’elle. Toutes les femmes rêvaient à ce jour.
Notons qu’en pays Sénoufo, les sœurs du mari de la femme sont aussi ses ‘’maris’’. Toutes celles qui faisaient l’unanimité au sein des beaux-parents avaient réussi leur foyer. C’est ainsi que ça se passait chez certains sous-groupes et encore dans le Kafigue (Sirasso, Dagba, Nafoun, etc) dans le Gbatô (Linguédougou, Yérétiélé,etc). Toute femme qui ne bénéficiait pas de cet honneur (Tchéssahara), c’était une preuve qu’elle n’était pas à la hauteur. Ainsi, elle était la rusée de la société.
Notons que chez le Sénoufo, la beauté de la femme se caractérise par son bon caractère, qu’elle soit accueillante, rassembleuse, bonne cuisinière, courageuse, discrète. Toutefois, la fécondité reste l’une des qualités essentielles.
Karina Fofana avec le groupe Whatsapp ONG Wafy