Les raisons du mauvais virage qu’a pris le Rap Ivoire sont nombreuses. Yves Zogbo Junior explique cela par le fait que l’influence du rap amé- ricain est toujours aussi forte et que les réseaux sociaux jouent le rôle d’amplificateur.
« Ils suivent le concept américain qui a toujours été hardcore et difficile dans les textes. La drogue, la violence, l’alcool et le sexe. Aujourd’hui, ils ont l’avantage de ne plus avoir besoin des médias classiques pour se faire entendre. On est victime de cette profusion de canaux de diffusion qui font qu’il est difficile pour les autorités de réguler aujourd’hui les musiques. Les plate- formes de streaming sont un avantage malheureux », explique-t-il.
A lire aussi : Cinéma : Le nouveau film en développement chez DC Studios baptisé « Batman, The Brave and The Bold »
Un point de vue que partage pleinement le rappeur et parolier Smayle qui en donne même une preuve : « Il y a le rappeur Lesky qui a été censuré par les chaînes de télévision à cause de ses mauvais textes. Mais ça n’a pas baissé son influence auprès des jeunes. Il se promeut grâce aux réseaux sociaux et ça marche bien. Beaucoup de jeunes abidjanais maîtrisent les paroles de ses chansons. Sa mixtape ‘’le vrai cabri’’ sorti en 2021 était le 4e projet musical le plus streamé en Côte d’Ivoire sur les plateformes de streaming comme Spotify et Boomplay, devant l’album de Josey ».
Le Prof. Jamal Séhi Bi Tra, maître de conférences à l’Université Félix Hou- phouët-Boigny d’Abidjan-Co- cody, lui aussi, établit le rap- port avec les réseaux sociaux. « Avec le numérique, le toit est percé. Vous ne pouvez pas empêcher votre enfant d’écouter la musique qu’il veut écouter », soutient-il. Une autre raison des dérives actuelles dans le rap que Smayle avance, c’est que cette musique est devenue plus divertissante qu’autre chose. « Les jeunes rappeurs ivoiriens sont tous influencés par la génération des Kiff no Beat, elle-même influencée par Lil Wayne et plus proche d’eux ici DJ Arafat et globalement le coupé-décalé. Or, on le sait tous, le coupé-décalé, c’est le divertissement et les vices sociaux. Il ne faut donc pas leur jeter la pierre. Il faut plutôt rechercher des solutions pour sortir de là. Et ces solutions, pour le moment, ne peuvent être que la sensibilisation. En espérant que l’État prenne des décisions courageuses pour mettre en place une structure de régulation dédiée », dit-il. L’explication peut aussi se trouver dans le passage des flambeaux.
Le rap en Côte d’Ivoire a connu plusieurs vagues. La première vague des artistes, comme Almighty, Stezo ou RAS, faisait un rap calqué sur le modèle français. Il n’était pas très hardcore. Après, il y a eu une jonction avec la deuxième génération incarnée par Rajman, Nash, Billy Billy et Garba 50. Avec eux, le rap a commencé à prendre une coloration plus ivoirienne. Mais ces derniers n’ont pas pu tenir la concurrence du coupé-décalé qui a fini par s’imposer jusqu’au début de la décennie 2010-2020. La troisième génération de rappeurs avec des groupes tels que Kiff no Beat, l’Équipe Type, All Black n’a donc reçu que l’influence du coupé-décalé avec son leader Dj Arafat.
Ce dernier a beaucoup influencé le leader de cette troisième génération, Kiff no Beat. On peut le remarquer dans leurs titres comme ‘’A Kpêtou’’, ‘’Approchez regardez’’, ‘’Baisons’’, ‘’Pétard d’Ado’’. Et c’est ce groupe qui a aussi influencé les nouveaux rappeurs qu’on pourrait classer dans une nouvelle génération.
Fraternité Matin
Le rappeur Lil Wayne perd la mémoire et ne se souvient plus de ses propres chansons